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AIDA KAOUK
 
mot d'adieu      notice  
 

 

Le destin existe donc. Pas le destin-trompette, tapis rouge et éternité. Celui-là, qu’il existe ou non n’importe guère et il n’a pas besoin qu’on y croit. Il sait se faire connaître. Non, le destin-chagrin, le destin-requin, le destin mesquin, celui qu’on redoute, auquel on ne veut pas croire, qui exhale un parfum pervers d’absurde nécessité. Mourir sur une route canadienne par un accident de la circulation, loin de sa terre natale, loin du soleil de l’Orient, une mer et un océan plus loin. Destin d’exil, évidemment.

Aïda Kaouk avait accueilli sans l‘ombre d’une hésitation notre projet d’organiser avec sa collaboration un colloque sur l’expérience de l’exil au féminin. Nous ne nous connaissions pas mais très rapidement passâmes de longs moments, à Hull ou à Montréal, à parler des mémoires enfuies, des musiques tristes et du pouvoir de la nuit. De la fatigue d’avoir connu plusieurs pays. De l’enthousiasme à se battre pour de justes causes. Certaines nourritures nous étaient communes, certaines années d’études à Paris, certaines littératures. Nous les évoquions avec délice ou nostalgie. Elle me parla longuement de son combat pour les femmes d’Afrique immigrées au Canada et des espoirs qu’elle portait pour une réelle acceptation de la diversité malgré les rigidités et les méfiances institutionnelles. Son énergie et son courage devant les obstacles et l’adversité m’impressionnaient.

Elle me fit l’honneur de me demander une préface au catalogue de l’exposition du Musée des Civilisations qu’elle organisa autour des artistes originaires de pays arabes résidant au Canada, Ces pays qui m’habitent. En évoquant l’indomptable force créatrice du métissage, c’est à elle que je rendais hommage.

Aïda, votre absence est douloureuse. Puisse le souvenir de votre intarissable générosité nous aider à perpétuer vos luttes.

Alexis Nouss