L’une des façons de décrire l’identité
d’un poète tel que Salah Stétié est
celle qu’il a lui-même employée dans Hermès
Défenestré : il est “l’homme du double
pays ”. L’on pourrait objecter qu’être
d’une pareille origine n’a rien d’extraordinaire,
si ce n’est que la terre dont Stétié se réclame
est celle où, comme le disait Rimbaud, les batailles les
plus sanglantes, les “plus dures ” relèvent
du “spirituel ”. Stétié, fait, par sa
parole poétique, don de soi en traduisant dans la concentration
de son verbe brûlé la tension de sa double présence
culturelle, en-deçà du poème. En ce sens,
le choix du poète de déployer les voiles de son
exil dans la langue française n’est pas fortuit :
même si le regard du poète a l’ambition de
l’ubiquité, il se veut pourtant plus humble, “passeur-médiateur
”, entre “le désert et le désir ”.
En fait, il s’agit d’un engagement envers les deux
rives de la même et unique Méditerranée puisqu’il
se nourrit, à la fois, des vents de l’Orient, de
son inconditionnel attachement à la langue arabe, langue
de la poésie orale – fleur éphémère
du désert – et du souffle de l’Occident, incarnation
de prédilection d’un verbe musical dans ce qui s’est
défini comme “tradition de l’écriture
”.
Il s’agira dans ces journées de s’accompagner
de Salah Stétié autant que de l'accompagner sur
le sentier de son écriture exilée et de mener une
réflexion notamment autour des questions suivantes :
-
Comment concevoir l’exil quand cette expérience vient
rompre la relation de l’individu avec son milieu? Risque
ou chance? Dichotomie, décalage ou plutôt harmonie?
Exil, post-exil ou diaspora? Comment l’exil travaille-t-il
la déchirure quand elle reste mystérieusement ouverture?
Entre exil et diaspora, comment faut-il comprendre la distance
quand l’exil déracine et la diaspora enracine?
- Comment survit l’exilé à l‘expérience
de la séparation? Quelle est cette “langue autre
”, celle du “pays double ” qui vient au secours
de l’être “en mal d’identité ”?
Donne-t-elle corps au discours de l’exilé? Met-elle
fin à son exil? Comment la nommer, la décrire? Est-elle
la langue qui s’enrichit de l’autre, du paysage autre,
de la sensibilité autre, de l’imaginaire autre? Crée-t-elle
une langue de la langue perdue, la parole-terre de la terre rêvée
ou comme le dit Adonis, “écriture qui ne raconte
pas ”, qui “habite le langage en son for le plus intérieur,
entraille de l’entraille, à jamais en instance d’enfantement
”?
Responsables :
Ghada OWEISS, Salah BASALAMAH et Alexis NOUSS |