La littérature de l’exil n’est pas un phénomène
propre à l’époque moderne, mais c’est
au 20e siècle qu’elle a pris de l’ampleur et
s’est imposée sans détour à la conscience
des écrivains et des théoriciens. Cette ampleur
est due à des circonstances sociales, historiques et politiques
particulières : indépendance des anciennes colonies
qui vont retomber tout de suite dans la dépendance, montée
en force de régimes dictatoriaux et totalitaires qui contraindront
nombre d’écrivains à l’exil, guerre
froide. La littérature de l’exil, par sa violence
fondatrice, est une littérature du deuil, une littérature
du ressentiment, mais l’écrivain que l’exil
ne réduit pas au silence se rapatrie grâce au travail
de mémoire et à la puissance de la langue.
Quelles sont les conséquences de la mondialisation sur
la littérature de l’exil? Même si l’exil
continue à être le drame quotidien de millions d’êtres
humains, il faut reconnaître qu’il a perdu en intensité,
peut-être, en partie, à cause de la fin de la guerre
froide, et aussi parce qu’on assiste à l’émergence
de sociétés plus stables, du moins sur le plan politique
(en Amérique Latine, par exemple). D’un autre point
de vue, est-ce que l’écrivain exilé peut vivre
indéfiniment dans l’exil, c’est-à-dire,
est-ce qu’il n’y pas un moment où il se «
reterritorialise », pour diverses raisons d’ordre
psychologique ou sociologique? On pourrait dire alors que cet
écrivain a fait son travail de deuil du pays natal, qu’il
n’est plus dans le nostalgique mais dans le mélancolique.
Cette période où l’écrivain exilé
se sent de plus en plus citoyen de sa société d’accueil
peut être appelé post-exil. Comment définir
le post-exil? Quels sont ses rapports avec l’idée
de diaspora? Ou avec l’idée de littérature
tout court (on pourrait poser l’hypothèse que sur
le plan des finalités sociales de la littérature,
l’écrivain du post-exil est passé d’une
vision « militante » de la littérature à
une vision plutôt « divertissante »). Non seulement
le post-exil doit être considéré comme la
situation de l’écrivain qui « accepte »
sa condition d’exilé, mais aussi celle des descendants
d’exilés (émigrés dès la tendre
enfance ou nés en terre étrangère) qui ne
connaissent leur culture qu’indirectement. Le post-exilé
n’a donc pas cette mauvaise conscience du migrant, «
cet être qui a tant de comptes à régler avec
lui-même, qui se sent coupable envers sa famille, en vers
sa patrie » (Émile Ollivier)
Notre colloque se propose d’analyser les figures de cet
état dans la littérature en nous basant sur divers
corpus (Caraïbes, Europe de l’Est, Moyen-Orient) définis
par leurs aires d’origine. |