L’exil,
on le sait, est expulsion d’un lieu ou interdiction de séjour
; il peut également être éloignement, séparation
volontaire, comme en situation de guerre. Dans tous les cas, il
est empêchement d’être là où on
désire être, là où on pourrait être.
Ce " là " loin de se réduire à
un lieu, peut être un moment, une communauté, une
langue, un espace de résonance intellectuel, politique,
affectif, etc. En ce sens, l’exil peut être intérieur
: en soi, ou extérieur : autour de soi. Il rejoint, le
plus souvent, l’un et l’autre univers de manière
à habiter l’être déraciné, à
dépayser l’être colonisé.
Cet
appel de textes concerne l’expérience exilique des
êtres humains catégorisés “ femmes ”
non pas en tant que ces personnes seraient différentes
des humains catégorisés “ hommes ”,
mais en tant qu’elles sont d’emblée privées
de la possibilité d’être pleinement. Dès
la naissance, les femmes subissent une ségrégation
conceptuelle en ce que la naturalisation des classes de sexe masque
une domination (le masculin/universel l’emporte sur le féminin/paticulier)
et annonce leur ségrégation matérielle (pour
les femmes la division du travail signifie travail gratuit, double
journée de travail et travail moins bien payé, donc
pauvreté). À cette double ségrégation
s’associent à divers degrés selon les cultures
: une réification (“ soit belle et tais-toi ”),
un isolement (la domestication), des menaces (le harcèlement
sexuel, le viol, la violence conjugale), des contraintes (l’hétérosexualité,
la maternité, l’altruisme communautaire — lorsque
ces “ modes d’être ” sont forcés),
ainsi que la négation de lieux d’épanouissement
et d’autonomie (l’accès limité à
l’éducation, sinon à des postes de haute direction).
Ce
colloque veut rappeler que les êtres humains catégorisés
“ femmes ” sont, du fait de leur traitement en régime
patriarcal ou hétérosocial, déjà exilés.
Il veut surtout rendre compte des stratégies utilisées
pour surmonter cette condition exilique première à
laquelle peut s’en ajouter une seconde ou même une
troisième dans un monde ou génocides, guerres, conflits,
fondamentalismes, etc., sévissent comme jamais. Ouvert
à toutes les approches, il aura lieu à l’Université
d’Ottawa du 10 au 12 mars dans le cadre d’un événement
interdisciplinaire portant également sur l’expérience
exilique des femmes. Cet événement est organisé
par les groupes Poexil de l’Université de
Montréal et Soi et l’Autre de l’Université
du Québec à Montréal, ainsi que par Dominique
Bourque de l’Institut d’études des femmes,
et Aïda Kaouk du Musée canadien des civilisations.
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