Salah BASALAMAH
Les nouvelles formes de l’exil
L'exil, en-deçà de la biographie
et de la géographie, est un autre exil; ce sont d'autres
formes d'exil. Il s'agit, en détournant son attention de
l'histoire du sujet écrivant, de se concentrer encore plus
résolument vers le texte et ses réfractions, de
découvrir dans la littérature les projections aussi
bien métaphoriques qu'historiques de nouvelles expressions
exiliques, dont l'exil spirituel, entre autres.
Par ailleurs, si les nouvelles formes de l'exil présentent
des caractéristiques propres au monde contemporain, cela
est en partie dû au phénomène de mondialisation
et de réduction, voire d'annulation, des dimensions spatio-temporelles.
Au fond, il s'agit de déceler, dans le palimpseste
des déchirures - reflétées par les récits
ou les poèmes - entre les principes incarnés dans
les plis du passé et leur absence dans ceux du présent,
les traces d'un exil de principe par rapport à une exigence
éthique.
Je m'efforcerai donc d'étudier des oeuvres
d'auteurs comme Goytisolo qui, dans sa tentative de retour sur
les traces de l'héritage andalous ou mauresque, tente de
retrouver les failles qui l'exilent de sa réalité
présente en vue de peindre une utopie que seule la littérature
est capable de reproduire. Je m'appuierai entre autres sur le
concept d'héritage tel que développé chez
Jacques Derrida (Spectres de Marx, Points de suspension et L'écriture
et la différence).
Aurélia
KLIMKIEWISCZ
Le « brouillon » de l’exilé
L’histoire de tout exilé commence par
une rupture avec le lieu d’origine et l’anonymat auqel
il est condamné dès qu’il s’établit
ailleurs. Incapable de se détacher de la terre natale et
incapable de se soumettre entièrement à la culture
de l’autre, il occupe un chronotope de l’entre-deux,
entre ici et ailleurs, entre avant et maintenant, entre le réel
et l’imaginaire.
Sans l’appartenance linguistique et culturelle
fixe, l’exilé écrit le « brouillon »
qui représente, selon Kristeva, le « passage de l’expérience
au texte » qui est « ni origine ni accomplissement
» (« L’autre langue ou traduire le sensible
», dans L’amour de l’autre langue : 169), une
écriture inachevée qui ne cesse d’inventer
un « je » narratif éclaté et pluriel.
Quelle est donc la spécificité de cette écriture-brouillon
? Nous analyserons les textes de Gombrowicz (la prose), de Mrozek
(le théâtre) et de Brodsky (la poésie) pour
examiner les stratégies d’écriture employées,
la représentation du temps et de l’espace, le choix
de symboles et le travail du rêve ou de la mémoire
à l’oeuvre.
Comme le brouillon reste pour toujours inachevé,
tout comme l’exil lui-même est un processus soumis
au dynamisme, à la transformation, à l’imprévisible,
nous essayerons de voir par quel moyen l’exilé aboutit
à se réconcilier avec la souffrance, le déchirement
et la nostalgie.
Un autre aspect qui nous intéresse également,
c’est de saisir l’impact de l’écriture
des exilés dans les sociétés contemporaines
confrontées de plus en plus souvent au problème
de l’altérité. Si l’écriture
de l’exilé est nourrie par l’expérience
individuelle et non par la pensée universaliste, elle ouvre
peut-être une zone de dialogue et d’échange,
un terrain de médiation où tout individu, quel que
soit son âge, son sexe, son identité culturelle et
religieuse, pourrait trouver des mots pour se dire et pour se
faire entendre par les autres.
Danièle MARCOUX
« Notre Amérique : de la tour Eiffel au port de Mariel
»
Cerner les contours des nouvelles figures de l’exil,
dans un contexte de mondialisation, implique la mise en perspective
de certains des éléments socio-historiques qui,
de tout temps, semblent avoir déterminé la condition
de l’exilé. Qu’il s’agisse de persécution
religieuse, politique ou fondée sur l’orientation
sexuelle, l’histoire fournit de nombreux cas de figures
d’exilés. Est-ce à dire pour autant qu’elles
sont nouvelles ? Une incursion dans la littérature cubaine
des XIXe et XXe siècles permettra de réfléchir
à cette question, sur la base de certains textes de José
Martí (1853-1895), Reinaldo Arenas (1943-1990) et Zoé
Valdés (1959- ). Les expériences personnelles d’un
ardent défenseur de l’Amérique hispanique,
d’un homosexuel victime du SIDA et d’une jeune femme
vivant à Paris peuvent-elles être considérées
comme autant de trajectoires historiques propices à l’émergence
de nouvelles figures de l’exil ?
Ghada
OWEISS
« Bal, balbala : esquisse d’une définition
des nouvelles formes de l’exil »
À l’ère de la mondialisation,
à l’aube d’un nouveau millénaire il
s’avère nécessaire de discuter les nouvelles
formes de l’exil : le post-exil et la diaspora. L’étude
se propose d’examiner quelques notions cruciales qui jettent
la lumière sur l’identité du sujet postmoderne
: mobilité, déplacement, désordre, altérité,
autochtonie perdue et détruite par la modernité.
Il s’agit donc de répondre à des questions
tels que : comment l’exilé s’institue comme
sujet? Quelle place occupe-t-il dans la société
d’accueil? Habiter un lieu, constitue-t-il un critère
d’identité? Comment se conçoit l’identité?
Le lieu d’origine est-il critère d’identité
Quelle figure prend l’écrivain gisant entre deux
identités? Quel itinéraire suit le sujet post-exilé?
L’examen des procédés de l’écriture
chez Joel Des Rosiers, « poète apatride » et
figure post-exilique par excellence, inscrit sa poésie
dans le courant post-moderne ou post-colonialiste. D’une
part une poétique « nomade » à la limite
de l’inscription et de l’effacement se base sur trois
paramètres : prépondérance de l’espace
et des lieux, indétermination géographique, intertextualité,
d’autre part un sujet « nomade » non seulement
gisant dans un espace paradoxal, un espace de médiation,
un tiers-espace, zone de tension entre la périphérie
et le centre, mais encore effacé des deux sémiosphères
celle du soi et celle de l’autre. Il s’agit de définir
la forme d’altérité qu’épouse
ce sujet nomade, de dessiner les contours d’une zone, jusqu’ici
mal éclairée par les travaux de recherche actuels,
zone de tension placée entre celle de l’exil et celle
du dialogue.
Nellie
HOGIKYAN
« L’imaginaire post-exilique dans la production culturelle
de la diaspora : l'exemple dans le cinéma canadien ».
À l'âge de la mondialisation et du déplacement,
l'imbrication des nations et des ethnies ainsi que la fluidité
des communications transnationales rendent de plus en plus complexe
la théorisation de la diaspora et de l'exil. Les diasporas
comportent des vagues et des couches de migrants multiples et
mouvants et la production culturelle des artistes diasporiques
se caractérise avant tout par le pluriel, l'hétérogène,
le contradictoire. Les différentes générations
de la diaspora n'expriment pas l'identité de la même
manière ; la situation se complique davantage lorsque des
membres de la diaspora d'une même génération,
issus de pays différents, font partie de vagues d'immigration
différentes. Tel est le cas dans le film Calendar de Atom
Egoyan (1993), où les deux protagonistes principaux se
comportent différemment face à la question de l'origine.
Calendar a été identifié par les critiques
comme un film appartenant au genre cinématographique exilique,
un film qui serait une re-présentation, une re-construction
de quelque chose de perdu -le pays d'origine, la langue maternelle.
J'aimerais dans cette communication montrer que le film ne se
limite pas aux phénomènes de l'exil. Certains aspects
de Calendar dépassent la mentalité de l'exil et
s'inscrivent plutôt dans un imaginaire que j'appelle post-exilique.
En faisant intervenir des théories post-modernes et post-coloniales,
il sera question de différencier l'imaginaire post-exilique
de celui exilique tels que présentés dans Calendar.
Marie
JO DES COEURS
« La rhétorique de l’exil dans Roses des
sables d’Hédi Bouraoui »
À la fois fantaisiste et charmant, le poème-conte
Roses des sables (1998) d’Hédi Bouraoui est une transposition
de préoccupations sociales liées à l’exil
dans un langage poétique de la modernité. Contrairement
à plusieurs auteurs migrants pour qui l’exil est
source de douleur et d’exclusion comme chez Abla Farhoud,
dans le recueil de Bouraoui, l’exil, la migrance se constituent
plutôt en expérience positive et enrichissante. Une
analyse rhétorique du recueil permettra de cerner le discours
migrant à la fois par sa lexicologie, ses métaphores
et sa poétique. Ainsi, nous nous attarderons sur l’expression
du discours migrant, en particulier sur les mécanismes
responsables des connotations positives de l’expérience
de l’exil; les champs sémantiques (cf Jaubert, 1990)
qui sont liés soit à «l’exil»,
à la «terre d’accueil» et à l’expérience
du déplacement contribuent à tout un réseau
figuratif (cf Meyer et Lempereur 1990; Forget 2000) de la migrance
qui rejoint le thème de l’écriture, du «Verbe».
De par son originalité et sa richesse, le poème-conte
Roses des sables donne une couleur nouvelle à la littérature
du Canada francophone par le biais de la littérature migrante;
notre analyse a pour objectif principal de mettre en lumière
la «voix» identitaire à travers les choix rhétoriques
qui confèrent une originalité certaine à
cette oeuvre.
Walt GUDRIAN
« Elias Canetti - figure "post-exilique"? »
La figure de l’exilé, produit de la mondialisation,
semble déranger l'image de l’homogénéité
de la société contemporaine. Pour aller contre cette
atmosphère préoccupante et insécure, la société
met en disposition la création de la conscience intersubjective
et culturelle par des écrivains ou des producteurs du discours,
souvent eux-mêmes issus de l'identité hybride ou
multiculturelle. Une analyse détaillée des concepts
clés surlesquels se basent la définition des formes
de l’exil sera mise au point.
Une étude plus spécifique portera sur les procédés
d’expression littéraire d'Elias Canetti, écrivain
juif s’exprimant en langue allemande. Il s’agit de
se demander sur la conception de l’exil chez Canetti : quelle
distance prend-il vis à vis de la société
d’accueil? Quels signes de modernité se révèlent
dans le texte? Canetti peut-il être considéré
comme une figure "post-exilique"?
Alexis NOUSS
« Le centre et la frontière »
L’absence de centre est volontiers proclamée
dans les études
post-coloniales. Mais si la notion est effacée, comment
distinguer entre
mêmeté et altérité, entre le soi et
l’autre, distinction nécessaire pour parer
à l’effacement dans le fusionnel ?
La notion de frontière, vue comme seuil et
non comme barrière, se
propose alors pour rendre compte d’une identité définie
non par rapport à
un centre ou à une fondation mais par rapport à
ce qui, à la fois, la sépare
et la rapproche de l’altérité.
Cette communication s’appuie sur un étayage
théorique emprunté à
Foucault (l’hétérotopie), Homi Bhabha (the
third space), Lévinas
(l’extériorité), et sur des exemples littéraires
(Fernando Pessoa et Clarice
Lispector).
Luise VON FLOTOW
« Le pouvoir expressif de l'exil »
Pour Emine Sevgi Oezdamar, ecrivaine, actrice et dramaturge
turque qui travaille en Allemagne depuis 30 ans, "l'exil"
est un lieu de creation et de pouvoir. Et la traduction y joue
un role important. Comme dans le travail de l'exile Ionesco, c'est
le travail dans et sur la langue allemande, la langue de l'exil,
qui l'importe. Oezdamar se sert de la traduction literale, de
la traduction au plus pres du texte virtuel turque pour ecrire
ses textes en allemand. Ma communication presentera son travail
sur la lettre pour en degager les enjeux de creation et de pouvoir.
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