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              Charles 
                Comfort faisait partie de la génération des artistes qui ont succédé 
                à celle du Groupe des Sept, et qui ont réagi contre le caractère 
                nationaliste attribué aux œuvres, en élargissant les références 
                et la perspective territoriale à l’échelle continentale : 
              
                - l’artiste 
                  présente ici des Plaines de l'Ouest, mais il n’est pas vraiment 
                  possible de préciser s'il s'agit d’un paysage canadien ou états-unien.
 
                - et 
                  contrairement au paysage édéniques du Groupe des Sept, il a 
                  inscrit le territoire dans la contemporanéité le vecteur principal 
                  est une route carrossable bordée de pylônes électriques.
 
               
              Le 
                traitement s’est aussi modernisé : 
              
                - la 
                  palette s’est éclaircie on retrouve au premier plan des contrastes 
                  audacieux  des oranges et verts acides juxtaposés aux roses 
                  violacés.
 
                - les 
                  formes ont aussi été schématisées et rendues presqu’en aplat, 
                  ce qui donne un aspect décoratif au sens noble du terme, i. 
                  e. que cela participe à l’autonomisation du médium.
 
               
              le 
                ciel qui occupe plus du ¾ de la composition est devenu une surface 
                à la limite de l’abstraction, ce qui a aussi pour effet d’affirmer 
                l’autonomie du médium. 
              Depuis 
                une dizaine d’années, les études consacrées à l`américanité 
                ont également permis de redéfinir les anciens repères nationaux 
                en les inscrivant dans une perspective transcontinentale. Rappelons 
                que l’américanité a été définie notamment par Gérard Bouchard 
                et Yvan Lamonde comme les formes culturelles […] mises en place 
                depuis le XVIIe siècle à la suite des transferts migratoires de 
                l’Europe vers les Amériques et qui reflètent la somme des ruptures, 
                des processus de différenciation (par invention, adaptation) et 
                des projets de recommencement collectif caractéristiques de plusieurs 
                collectivités neuves. 
              Ces 
                collectivités ont ainsi partagé des processus de transit et d'adaptation, 
                tandis que leurs identités ont été définies selon une proportion 
                variable entre le réflexe de rupture et le souci de continuité, 
                entre les projets de recommencement et le besoin de perpétuer 
                la culture d’origine. L’expérience de confrontation avec la "frontière" 
                (pris dans le sens anglophone de frontier), cette zone 
                mouvante qui délimite l'inconnu et le connu, nourrissait également 
                l’idée d’un dépassement des paradigmes traditionnels et d’un potentiel 
                d’amélioration des conditions de vie. Face à cette réalité, les 
                pionniers tendaient à vivre non pas dans l'errance (comme c'est 
                le cas, en Europe, pour les groupes marginalisés), mais suivant 
                une sédentarité « ouverte », un mouvement constamment envisageable 
                et renouvelable. Dans son essai consacré au nomadisme, le sociologue 
                Michel Maffesoli expliquait, au moyen d’exemples historiques s’étendant 
                de l’Odyssée d’Homère à la contre-culture de Beat Generation, 
                que cette coexistence s’explique par le fait qu’une « structure 
                stable a besoin de son contraire pour conforter son existence ». 
                Grâce aux travaux de Jean Morency consacrés aux imaginaires croisés 
                des littératures québécoise et états-unienne, on a pu constater 
                que dans le contexte américain, les mouvements centripète et centrifuge 
                tendent à suivre ce principe, en se présentant non pas en opposition, 
                mais en alternance, suivant un équilibre constant. Si le nomadisme 
                offre un échappement des anciennes contraintes et un potentiel 
                d’amélioration des conditions de vie, la sédentarité engendre 
                une stabilité provisoire, un enracinement plus ou moins fixe, 
                qui reste pourtant ouvert à de nouvelles étapes de transformation. 
                Ce double mouvement aurait engendré une dynamique téléologique 
                qui a permis des pallier l’absence de fondement historique, ou 
                de « mémoire longue » pour employer une expression de 
                Gérard Bouchard. Cette manipulation de la destinée et du principe 
                hégélien, où temps et espace tendent à se confondre, 
                s'exprimerait, en Amérique, par le biais de l'imaginaire de la 
                rupture, qui consiste non pas à éliminer le passé et à fuir le 
                réel, mais à le produire, comme l'a souligné notamment Gilles 
                Deleuze. Ainsi, plutôt que de viser un enracinement qui assurerait 
                une continuité historique et une profondeur mémorielle, l'expérience 
                de la frontière aurait engendré une dynamique prospective. Ce 
                que certains ont interprété comme une instabilité et un réflexe 
                d'esquive, d'autres l’ont traduit comme une trajectoire et un 
                potentiel de dépassement. 
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