Réfléchir sur les temporalités de l’exil, c’est attester d’une
expérience inédite du temps, celle d’un exilé. Le sentiment d’avoir
été arraché à un sol (sens étymologique d’« exil »)
génère au moins deux temporalités (temps vécus par un sujet) :
celle de l’existence « originelle » et celle du présent,
caractérisée par le contact quotidien avec l’altérité. Plutôt
que de s’attacher à la description de l’expérience exilique, ce
colloque se propose d’interroger les rapports dynamiques entre
les temporalités de l’exilé et ses conditions d’existence physiques
et psychologiques, comme le contrôle du corps, l’élaboration d’un
espace rêvé, l’apprivoisement des espaces socio et géopolitiques
réels.
Dans
un premier temps, il s’agit d’abord de mettre au jour les différentes
temporalités consubstantielles à la condition de l’exilé. Une
de ces temporalités peut se concevoir comme une sorte de « pré-exil »,
puisque avant le déplacement spatial, volontaire ou forcé, l’exilé
se met dans la disposition psychologique de l’imminence du départ.
L’espace de l’exil se vivrait alors sous le mode de l’appréhension
ou du rêve. À l’opposé, n’est-il pas pertinent de parler de « post-exil »,
c’est-à-dire d’une expérience qui implique le déplacement spatial
physique mais qui aurait érodé la temporalité plurielle de l’exilé?
Celui-ci aurait alors « inventé » des manières d’être
et de se comporter autant avec l’espace quitté que l’espace adopté.
Que
dire de cette autre dimension temporelle générée par des lieux
d’exil si particuliers, tels que les lieux de transit, les camps
de réfugiés, de détention, de concentration? Ces espaces, par
leurs singularités mêmes, n’instituent-ils pas, d’emblée, un rapport
particulier au temps qui paraît alors suspendu?
Toujours
sujettes à l’altérité, au tremblement ontologique, à la reconstitution
psychologique (et peut-être aussi physique) de l’individu, les
temporalités exiliques ne constituent-elles pas le terreau fécond
où pourraient germer et s’épanouir les créations esthétiques les
plus diverses autant en cinéma qu’en littérature, en théâtre,
en musique, en danse…? Ces formes esthétiques auraient alors pour
double fonction autant de rédimer le trauma exilique que de témoigner
de la riche expérience humaine du déplacement.
Le
colloque s’articule essentiellement sur les axes suivants :
Axe
1 : Les diverses temporalités de l’exil
-
Temps objectif/temps subjectif
-
Temps linéaire/temps cyclique
-
Temps long/temps court
-
Agencement des temporalités (décalage, entassement,
entrelacement, syncrétisme…)
-
Suspension du temps ; la question du rythme temporel
Axe
2 : L’enjeu spatial
- Temps-espace
(chronotope bakhtinien)
-
Espace sans temps (où le temps est suspendu) : camps
de réfugiés ; zones de transit
-
Temps sans espace (utopie, pré-exil)
Axe 3 : Le corps « travaillé »
par les temporalités exiliques
- Temporalités
de l’exil inscrit dans un corps (mutilations rituelles,
tatouages initiatiques…)
-
Temps de l’exil inscrit dans un objet (monumentalité)
Axe 4 : Les temporalités exiliques dans les
arts
- Temporalités
de l’exil et cinéma
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Temporalités de l’exil et composition musicale
-
Temporalité de l’exil et danse, etc.
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