« La Malle »
Mon
retour dort, dans ce grenier,
Une malle renforcée de fer, des valises,
Toute ma patrie,
Passeports, nationalités,
Visas d’immigration.
Poème
en traduction de Kazimierz Wierzynski, lu dans le métro
de Paris, Noël 2004
Destin chaotique,
de fracture en fracture, résumerait facilement mon parcours
biographique. À Montréal depuis vingt-cinq ans,
après un séjour prolongé en Italie qui coïncidait
avec les grèves ouvrières à Gdansk et l’avènement
du mouvement syndical Solidarnosc en Pologne, je navigue entre
plusieurs langues, cultures et imaginaires. Mes compagnons de
route : Conrad, Gombrowicz, Milosz, Mrozek, Bakhtine, Berberova…
Quelques figures des récits familiaux me hantent depuis
l’enfance : mes ancêtres fuyant la France après
la Révolution de1789 et trouvant refuge sur le sol polonais,
un oncle séduit par la Révolution bolchevique et
par une actrice russe de Saint-Pétersbourg, une tante qui
dansait dans un cabaret à Pigalle, un oncle, d’ailleurs
mort à Edmonton, sauvé par une femme allemande sur
une route poussiéreuse entre Varsovie et Berlin. Qui a
parlé du cheval blanc ? Bétail qui marche, marche
et tombe : une balle pour celui qui tombe, des haillons pour
celui qui peut encore marcher… Et tant de tombes qui restent toujours
vides et qui appellent la mémoire au secours, comme celle
de mon grand-père maternel piégé, enfermé
dans une cave d’école et assassiné par les Soviétiques
à Katyn.
La traduction, le processus exilique (pré-exil, exil, post-exil
et après), la littérature migrante et la représentation
de l’espace éclaté – voilà les axes de recherche
qui font un lien « naturel » avec le reste.
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