Connue plutôt comme la terre de passages et de transitions
menant de la Chine vers la Méditerranée, l’Asie
centrale ne l’est plus après la découverte des voies
maritimes de l’Europe vers l’Asie, la colonisation russe et la
soviétisation. « Vitrine du socialisme en Orient
islamique », ce n’est plus un espace ouvert au monde, mais
plutôt une enclave isolée dans les déserts
et presque inaccessible aux étrangers. Sa fermeture prédétermine
un nouveau rôle de cette région : celui d’asile abritant
des personnes et des peuples qui essaient de se sauver dans les
purges staliniennes et la guerre avec les nazis. Dissidents, exilés,
évacués, vagabonds, venus de tous coins de l’empire
soviétique, ils s’y rencontrent et forment des communautés
bien particulières. Plusieurs, d’ailleurs, se mettent,
non sans enthousiasme, à construire sur cette terre, riche
de traditions culturelles, une nouvelle tour de Babel dont le
projet théorique semblait prometteur et répondait
à certaines attentes sociales de l’avenir plus juste ou,
au moins, plus sécuritaire. Tous ces facteurs contribuent
à la formation d’une culture complexe au sein de laquelle
se confrontent l’utopie et la tradition, se croisent les mémoires
importée et originaires. Et encore, au second plan, il
y avait toujours la nostalgie d’un autre monde qui existe – bien
probablement ! – au-delà des frontières qui semblaient
infranchissables…
Pourtant
un jour, la tour inachevée s’écroule sous les yeux
de ses habitants. Ceux-ci n’ont pas abandonné le pays,
c’est le pays qui les a abandonnés pour disparaître
à tout jamais. À ce moment, la nostalgie d’un autre
monde se transforme en sentiment plus actif. Les diasporas centre-asiatiques
peuplent la Russie, de même que les pays d’Europe et d’Amérique...
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