BORIS CHUKHOVICH .
préface   curriculum   textes .
 


Connue plutôt comme la terre de passages et de transitions menant de la Chine vers la Méditerranée, l’Asie centrale ne l’est plus après la découverte des voies maritimes de l’Europe vers l’Asie, la colonisation russe et la soviétisation. « Vitrine du socialisme en Orient islamique », ce n’est plus un espace ouvert au monde, mais plutôt une enclave isolée dans les déserts et presque inaccessible aux étrangers. Sa fermeture prédétermine un nouveau rôle de cette région : celui d’asile abritant des personnes et des peuples qui essaient de se sauver dans les purges staliniennes et la guerre avec les nazis. Dissidents, exilés, évacués, vagabonds, venus de tous coins de l’empire soviétique, ils s’y rencontrent et forment des communautés bien particulières. Plusieurs, d’ailleurs, se mettent, non sans enthousiasme, à construire sur cette terre, riche de traditions culturelles, une nouvelle tour de Babel dont le projet théorique semblait prometteur et répondait à certaines attentes sociales de l’avenir plus juste ou, au moins, plus sécuritaire. Tous ces facteurs contribuent à la formation d’une culture complexe au sein de laquelle se confrontent l’utopie et la tradition, se croisent les mémoires importée et originaires. Et encore, au second plan, il y avait toujours la nostalgie d’un autre monde qui existe – bien probablement ! – au-delà des frontières qui semblaient infranchissables…

Pourtant un jour, la tour inachevée s’écroule sous les yeux de ses habitants. Ceux-ci n’ont pas abandonné le pays, c’est le pays qui les a abandonnés pour disparaître à tout jamais. À ce moment, la nostalgie d’un autre monde se transforme en sentiment plus actif. Les diasporas centre-asiatiques peuplent la Russie, de même que les pays d’Europe et d’Amérique...